Je reviens de loin – de Claudine Galea, mise en scène de Sandrine Nicolas

  • vu le 27 octobre au Studio-Théâtre de la Comédie-Française

(spoilers) (je suis aigri)

Une mise en scène que de nombreux gimmicks ne sauvent pas d’une certaine fadeur. C’est un schéma qu’ont suivi, à mon avis, plusieurs créations de la Comédie-Française dernièrement : belle scénographie, mauvaise direction de bons acteurs (je pense notamment à Théorème / Je me sens un cœur à aimer toute la terre de la saison dernière). Quoique là, j’ai même du mal à apprécier la performance acteurs – contre lesquels je n’ai absolument rien, par ailleurs. L’ennui que j’ai éprouvé était peut-être déjà conditionné : j’ai du mal à accrocher à l’écriture contemporaine fragmentée de Claudine Galea. Camille, quitte son mari Marc et ses enfants Lucie (une adolescente) et Paul (un petit garçon). Sans un mot, elle quitte le logis pour vivre seule. Le texte se compose de morceaux de pensées de Camille cousus à des scènes de famille entre le père et ses enfants, où flotte encore le fantôme de la mère. Sur le papier, un texte limpide et touchant. La mise en scène en est néanmoins selon moi illustrative et irritante. 

Une mise en scène explicative

Cela commençait bien : du noir total émerge un espace intéressant. Deux miroirs sans tain en arrière-scène et deux voiles à l’avant, tous placés de biais, délimitent un espace de jeu restreint sur scène en forme de losange ; au milieu, une simple table ; par terre, du sable. Est-ce un espace mental ? Ou une pièce rêvée, reconstituée par les souvenirs de Camille ? Les voiles se soulèvent. On a une impression de panoptique : nous sommes plongés dans la vie intime du personnage, nous voyons tout sans que les personnages nous voient. Une atmosphère sonore est mise en place. Le son des vagues et du violon. Plus tard, ce sera de la contrebasse qui se mêlera à la voix des acteurs pendant quasiment toutes les scènes. Un peu lourdaud et explicatif, mais pourquoi pas. 

Le problème à mes yeux est que la mise en scène reste explicative. Très vite, on verse dans un pathos qui n’a rien d’intéressant du point de vue dramatique : la fille enrage contre sa mère, le père sombre dans un désespoir téléphoné. Le fils nous rend triste, non pas par compassion, mais par dépit face à son jeu. On n’y croit pas. Cela marcherait peut-être si l’on s’attachait aux personnages, mais la mise en scène me les a rendu préablablement assez insupportables. À ce propos, pourquoi faire jouer un petit enfant à Adrien Simion qui ne doit pas avoir loin de 30 ans ? Certes il a l’air jeune, mais pas à ce point. C’est assez ridicule de l’entendre chanter en imitant un garçon de six ans. Ça n’est pas touchant ni perturbant, ça ne pose pas de questions, c’est de mon point de vue seulement exaspérant. Le personnage de Pierre-Louis Calixte semble gesticuler. Celui de Léa Lopez a juste l’air de faire sa crise d’adolescence. Les comédiens n’avaient peut-être pas l’espace pour s’exprimer correctement ou se mettre en valeur sur la petite scène du Studio. Ou bien ils ont simplement été mal dirigés. Mais pas à un seul moment je n’ai pu apprécier leur jeu, pas à un seul moment je n’ai pu les voir briller d’une manière ou d’une autre.  

Conclusion : une mise en scène à gimmicks

Et puis il y a ces gimmicks qui soulignent ce qu’on doit ressentir : des silhouettes qui apparaissent et disparaissent de l’autre côté des miroirs sans tain. La mère embrasse le père ou touche la main de son fils à travers la surface du miroir. Très joli sur le papier ; en pratique, je l’ai perçu comme une tentative de compenser le déficit dans la direction d’acteur. J’avais l’impression que, puisque le texte avance lentement et que l’espace est petit, la metteuse en scène ne savait plus quoi faire des acteurs. Elle ne maintenait donc l’attention du spectateur qu’avec de la musique en continu, des jeux de reflets, et le désespoir en carton des personnages. Ce qui m’a achevé : j’ai attendu jusqu’à la fin que les voiles du début soient réutilisés, que réapparaissent cet espace en losange. Je me suis dit qu’elle les ferait peut-être redescendre à la fin, mais non : pourquoi les utiliser si ce n’est que pour les utiliser uniquement au début de la pièce ? Ce fut pour moi la preuve ultime de ce système de gimmicks, de jolies images qui ne fonctionnent qu’une fois puis plus jamais exploitées.

J’ai l’air de chipoter pour une pièce qui n’était honnêtement pas aussi horripilante que je le laisse croire. Je l’admets. Simplement, une série de détails, de petits défauts de mise en scène ou de consistance, ont fini par complètement m’en désintéresser. Il faut aussi reconnaître que je m’acharne un peu contre une pièce qui reste une petite production de la Comédie française. Là où je lui en veux, c’est lorsque j’ai l’impression qu’elle veut paraître plus profonde qu’elle ne l’est. Alors, suis-je définitivement de mauvaise foi ?  


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