Jean Hélion. La prose du monde – commissariat de Sophie Krebs et Henry-Claude Cousseau

  • vue le 29 mai au Musée d’art moderne de Paris

Il est assez étrange de retourner au MAM après la clôture de l’exposition De Staël. C’est le retour du grand musée pâle et vide que je connais, dont les corridors résonnent de l’écho des pas. C’est d’autant plus étrange que le parcours de l’exposition Jean Hélion se fait à rebours de celui de l’exposition De Staël. Le sentiment de vide en est d’autant plus prégnant : on a un peu l’impression de visiter une ville fantôme. 

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas trop aimé l’exposition. La carrière de l’artiste est très intéressante. Ses premières œuvres datent des années 1920. Il s’intègre dans les cercles d’artistes comme Mondrian et revendique son appartenance aux mouvements d’exploration de l’abstraction d’alors. Mais assez vite, il revient à la figuration. Dans les années 1950 et 1960, il revient toujours sur les thèmes qui traversent sa vie, mais dans un style très académique. À la fin de sa vie, alors qu’il perdait la vue, il continue de peindre notamment des grands événements comme mai 68. 

Joli trailer où l’on voit notamment une des composition abstraite de début de carrière, un portrait du retour à la figuration et le grand « triptyque du dragon » qui m’a personnellement un peu laissé de marbre.

De la beauté des machines

Le plus intéressant, à mon sens, reste le début de l’exposition. On assiste, en l’espace de trente mètres, à l’émergence de la figure humaine au sein de ses compositions abstraites. Les premières toiles représentent notamment des assemblages irréguliers de volumes sur un fond uni. Rien ne s’imbrique parfaitement, les lignes ne se croisent pas parfaitement : or toutes ces petites tensions laissent apparaître au fur et à mesure un bras, une manche, un pied, un visage. 

À partir des années 1940, ce sont bien des figures humaines qui sont au centre des peintures. Il peut être difficile de s’y projeter : rien ne semble très vivant, tout semble être plastique, sans souffle. Que ce soit dans l’abstrait ou dans le figuratif, les sujets d’Hélion n’ont au départ rien d’organique. Ils sont beaux comme une machine est belle : ses personnages (sa série de « salueurs » par exemple) sont sculpturaux, monumentaux.

C’est un sentiment difficile à expliquer pour moi, je passe donc par une comparaison. Lorsque je trouve qu’un mécanisme est beau, c’est rarement grâce à la forme sensuelle du rouage et de la courroie de transmission. C’est la complexité de la machine, et ma relative incompréhension de son fonctionnement qui enclenche mon envoûtement. De même chez Hélion, je ne trouve pas ses personnages beaux en eux-mêmes : ils sont beau dans la manière dont ils fonctionnent, dans le système qu’ils créent au sein du tableau sans que je sache vraiment comment. 

J’aime ainsi les boucles des plis des vestes et des pantalons, les boursouflures des chaussures et les épaisses lignes des visages, comme j’aime voir les turbines, tuyaux et circuits d’un moteur. C’est fascinant sans vraiment que je sache pourquoi. 

Une fin de visite un peu mitigée

Assez vite cependant, je perds un peu de mon intérêt pour ses peintures. Les mêmes motifs reviennent en boucle : citrouille, allumette, baguette, un jeune homme allongé. Hélion change de trait mais se répète. Au point qu’il exécute un « Triptyque du dragon » dans lequel il fait une synthèse de tous les thèmes qui l’ont occupé jusqu’ici. Autant j’accepte l’idée que les auteurs n’ont qu’un seul et même sujet toute leur vie, autant là je trouve ça un peu grossier. C’est comme si, ne sachant que peindre, il faisait une sorte de best-off de sa carrière. Un peu nombriliste, pour moi.  Finalement, je trouve tout le milieu de l’expo un peu oubliable. 

Les interviews de lui diffusés au milieu du parcours n’aident pas : Hélion apparaît comme assez verbeux et condescendant. Il ne cesse d’appliquer le terme « abstrait » sur tout ce qui l’entoure. Pour lui, la nature est abstraite. Les tableaux de poussin son abstraits. Si je comprends bien, il renvoie à l’abstrait tout ce qui peut constituer une forme de structure. Je simplifie peut-être sa pensée à outrance, mais il me semble que de son côté, il n’hésitait pas à compliquer des idées plutôt simples. 


La fin de l’expo est plus chouette. Il y a des œuvres plus isolées, comme une Suite pucière, au pastel sur papier canson vert, qui me semblent bien plus vibrantes et captivantes que ses autres expérimentations. Il dessine une suite d’objets étranges trouvés aux puces, dont les formes amusantes et frappantes sont impossibles à identifier. Malheureusement le musée fermait et je n’ai pas pu en profiter davantage.


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